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[PORTRAIT] Sherry Young protège la panthère des neiges dans un monde en transition

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Ancienne étudiante en Licence SVT à la Faculté des Sciences et des Techniques de l'Université de Nantes, Sherry Young travaille désormais sur la conservation des panthères des neiges au Kirghizistan. Elle est passée à Nantes le 13 septembre dernier et en a profité pour venir partager son expérience… Nous en avons profité pour lui poser quelques questions : rencontre avec une jeune écologiste passionnée !

En quoi consiste votre travail actuel ?

Mon travail actuel consiste à déterminer le nombre de panthères des neiges vivant au Kirghizistan. Cela rentre dans le cadre du programme “Population Assessment of the Worldwide Snow Leopard” (PAWS) et du “Global Snow Leopard & Ecosystem Protection Program”(GSLEP). La panthère est une espèce élusive vivant sur les hauts sommets d’Asie Centrale et son étude est très difficile. Malgré les efforts de la communauté scientifique au cours des dernières décennies, nous ne savons encore combien de panthères il existe. Son statut de conservation a été ré-évalué en 2017 (passant de en danger à vulnérable) et cela provoque des changements dans les mesures prises pour lutter contre sa disparition. Cette décision a suscité un grand scepticisme dans la communauté scientifique qui a donc mis en place de nouveaux programmes afin de coordonner, à travers les 12 pays où la panthère des neiges existe (Afghanistan, Bhutan, Chine, Mongolie, Kazakhstan, Russie, Kirghizistan, Inde, Népal, Tadjikistan, Pakistan, Uzbekistan), des missions couvrant un maximum de territoire et d’obtenir une meilleure estimation du nombre de panthères existant.


Sherry sur le terrain au Kirghizistan.

J’ai donc participé à ce projet au Kirghizistan. Pour étudier les panthères nous utilisons des pièges photos que nous plaçons à des endroits stratégiques en montagne généralement entre 2000 et 4000/5000 mètres d’altitude (cela dépend des régions et de la topographie). J’ai donc principalement participé à la mise en place de ces pièges photos, à la collecte et à l'analyse des données. De plus, la conservation ne pouvant exister sans la vulgarisation scientifique, j’ai donc à de nombreuses reprises participé à des événements au sein d'Universités mais aussi dans des institutions diverses et variées pour expliquer notre mission.


L'équipe du The Snow Leopard Trust.

Quel a été votre parcours jusqu'à aujourd'hui ?

Jeune, je souhaitais déjà travailler avec les animaux. Dès le collège j’ai donc commencé à faire quelques stages chez un ami vétérinaire de la famille tout en étant bénévole dans une ménagerie où je m’occupais d’animaux exotiques pendant mes vacances scolaires. Puis, je suis partie pour la première fois à l’âge de 15 ans pour un an d’immersion totale aux Etats-Unis. Étant scolarisée dans un lycée américain et vivant dans une famille américaine, je suis rapidement devenue bilingue.
Une fois de retour en France, j’ai fait un Baccalauréat Scientifique et je suis partie à Nantes où j’ai fait ma Licence en Biologie Écologie. J’ai tout d’abord fait un an en espérant intégrer la fameuse Prépa PECB que la Faculté des Sciences et des Techniques propose mais mes notes, ainsi que mon doute grandissant quant au fait que vétérinaire soit réellement le métier de mes rêves, m’ont poussée à m’orienter davantage vers la Licence en Biologie Écologie (Licence SVT). Et ce fut le bon choix. J’ai trouvé dans l’écologie un réel enthousiasme. Loin des stéréotypes et préjugés, l’étude des écosystèmes et des interactions entre espèces mais aussi le fait que la licence continue de vous former sur des aspects davantage cellulaires poussent votre réflexion au-delà de ce que je pouvais imaginer.
J’ai rapidement cherché à faire des stages spontanés et j’ai contacté le Bioparc de Doué La Fontaine. Il s'agit du premier Zoo en France à avoir lancé des programmes de conservation et à avoir fait des espèces présentes au sein du Parc des ambassadrices de celles en péril dans la nature. Lors de mon premier stage, comme assistante scientifique, je suivais la vétérinaire tout en travaillant sur l’étude du pool génétique de certains primates. Un an après, pour mon stage de fin de Licence, je suis retournée au Bioparc où cette fois j’ai travaillé dans le département de la conservation : on m’a alors proposé de travailler soit sur la valorisation du programme de conservation des vautours soit sur celui des panthères des neiges. Ironiquement, j’ai choisi de travailler sur celui des vautours. Pourquoi ? Car les panthères sont adorées mais les vautours sont souvent méprisés par la société et je voulais apporter mon aide afin de montrer le rôle crucial de ces espèces dans nos environnements. Mais je ne pouvais ignorer l’effet que les panthères me procuraient à chaque fois que je passais devant leur espace…

Qu’est-ce qui vous a poussé à partir étudier en Suède ? Et qu’est-ce que ça vous a apporté ?

Depuis mon année d’étude aux Etats-Unis, j’avais cette envie de repartir. L’appel du Nord a toujours été grand et après avoir longuement hésité entre une mobilité au Canada et une mobilité en Suède, j’ai décidé de partir en Suède lors de ma première année de Master : le plus au nord possible que l'Université Nantes me le permettait, à Umeå.
Qu’est-ce qu’Umeå m’a apporté… des températures bien froides, une nouvelle immersion, des paysages à couper le souffle, des aurores boréales mais surtout un système universitaire totalement en adéquation avec ma manière d’apprendre. Le système français consiste en environ 8 modules simultanés (~4 ECTS chaque) par semestre avec des effectifs de classe d’environ 30 étudiants (en tout cas à mon époque). En Suède, un module dure deux mois (15 ECTS) avec des effectifs de 10-15 étudiants par classe. Le premier mois est généralement dédié à l’apprentissage théorique et le second mois à la pratique. La pratique se résume par aller sur le terrain pour développer ses compétences de travail d’équipe, d’indépendance et autonomie quant à la création, mise en place et réalisation de protocoles scientifiques. Une fois le terrain fait, les analyses sont faites en laboratoire par les étudiants de nouveau en grande autonomie. Tout au long de ce processus de nombreux documents doivent être rédigés et soumis simultanément avec des présentations orales sur l’avancée de nos recherches avant des présentations et rédactions finales. En bref, chaque module est comme un stage.


Sherry lors de sa mobilité en Suède.

Ce que la Suède m’a montré c’est que je ne me résumais pas à des notes (système avec peu de notes en général : c’est soit Passe avec les félicitations, Passe, Refusée). C’est en Suède que j’ai découvert la scientifique que je voulais devenir et c’est donc la plus grande chose que la Suède m’ait apporté professionnellement.

Vous avez fondé l’association de zoologie (AZEN) ici à la Faculté, qu'est-ce qui vous a poussé et qu'est-ce que ça vous a apporté ?

Même s’il y a davantage d’améliorations, il reste une séparation entre professeurs et étudiants. Beaucoup d’étudiants cherchent sur internet les contacts à avoir pour obtenir une expérience professionnelle alors que les universités détiennent déjà un réseau mais ne s’en rendent pas forcément compte. L’AZEN a donc été créée dans cette optique par Priscilla Decottignies, Maître de Conférences à la Faculté et chercheuse en Biologie Marine et moi-même, étudiante en L2 à  l'époque. Le but était aussi d’augmenter la vulgarisation scientifique sur la zoologie mais aussi de permettre à chacun de partager ses ressources afin d’accéder à des aspects de la zoologie qui semblaient jusqu’à présent difficiles à accéder. Peu importent les diplômes que chacun possède, à la fin nous sommes tous passionnés.
Être présidente m'a aussi appris à travailler autant avec des enseignants que des étudiants que d’autres associations que l’administration en général. Ce fut une belle découverte de ce que j’appelle la politique interne et de toutes ces choses non écrites et que personne, que ce soient parents ou professeurs, ne peuvent vous apprendre car ça s’apprend sur le terrain. L’AZEN m’a appris à gérer des équipes, à adapter ma manière de communiquer en fonction des publics, de mettre en place et gérer des projets, partenariats et autres. L’AZEN m’a aussi apporté des échecs et des challenges. Et j’en suis très reconnaissante car j’en ai énormément tiré d’informations et leçons. Donc pour ceux qui liront cette interview, avoir peur d’échouer ne sert à rien car ce sera sûrement la meilleure chose qui puisse vous arriver car sur le long terme ça vous en sera très bénéfique !


Lors de son intervention le 13 septembre dernier.

Si on revient sur le poste que vous occupez chez The Snow Leopard Trust, est-ce que vous diriez que vous en rêviez quand vous étiez sur les bancs de la Faculté ?

Je rêvais d’aventures. Je rêvais de travailler avec des espèces en danger. D’aller dans des endroits exotiques voire même méconnus. Je rêvais de faire partie de quelque chose qui ait un impact. Mais mes rêves restaient encore abstraits à l'université même si j’avais une idée de ce que je voulais faire. « L’écologie est un milieu fermé, il n’y a pas d’emplois et encore moins dans ce que tu veux faire. En plus, as-tu les notes pour ? ». Avec mon 11 de moyenne, mes rêves étaient souvent cassés et mes perspectives s’embuaient mais au lieu d’attendre, j’ai essayé de créer des opportunités qui me rapprochaient de ce que je souhaitais faire : l’AZEN, les stages au Bioparc, des voyages personnels en Europe pour découvrir davantage le monde et surtout des emplois saisonniers qui m’apprenaient à développer des compétences dans d’autres domaines que je peux maintenant appliquer dans mon métier (gestion d’équipe, travail sous pression, rigueur, etc). En Suède le rêve était en arrière-plan mais il était là car tout se concrétisait avec les opportunités de projets de recherche auxquels j’avais accès pendant ma formation. Et c’est seulement 1 mois avant la fin de mon Master que j’ai enfin réussi à contacter quelqu’un de Snow Leopard Trust sur le terrain qui (en 48h) m’a dit « Viens avec nous à Bishkek ». Et ma réponse fut « Yes !! Bish quoi ? ». J’avais mon aventure et mon endroit inconnu !

Et la suite pour vous c’est quoi ? Des projets ?

Ça me surprend encore de le dire mais je vais faire une thèse ! La thèse portera sur l’étude du changement climatique sur les caractéristiques écologiques et socio-économiques de l’habitat de la panthère des neiges. Dans un premier temps j’étudierai les interactions entre les 4 principaux niveaux trophiques de cet écosystème qui sont les prédateurs (représentés ici par la panthère), les proies (Ibex, Marco Polo), la végétation et les troupeaux. En plus de ceci, j’étudierai l’impact du changement climatique sur ces interactions mais aussi sur les communautés locales.
Je serai basée à l’Université Simon Fraser à Vancouver, Canada. Ma recherche m’amènera 6 mois par an au Kirghizistan où je donnerai très probablement des cours à l’Université d’Asie Centrale lorsque je ne serai pas sur le terrain pour collecter les données. Les 6 mois restants je serai au Canada où je ferai principalement l’analyse de données. J’y donnerai mais aussi prendrai des cours.

Un conseil pour nos étudiants qui voudraient s’orienter dans la conservation des espèces menacées ? Et plus largement aux étudiants de la Faculté ?

Pour ceux qui ont trouvé leur voie : créez vos opportunités et n’attendez pas que les choses vous tombent dessus. Croyez-y. Soyez à l’écoute, soyez attentifs à ce qu’il se passe autour de vous, restez curieux et surtout soyez ouverts d’esprit.
Pour ceux qui sont incertains : ce n’est pas un problème. Essayez de faire des stages, bénévolats, emplois saisonniers qui vous aiguilleront. Allez à la rencontre de personnes qui font des choses qui vous intéressent. Montrez votre curiosité et votre volonté d’apprendre.
Pour ceux qui ne savent pas du tout : c’est okay aussi. C’est difficile de savoir. Pourquoi une licence de biologie ? Pourquoi les sciences ? Au final ça n’est pas votre truc mais alors qu’est-ce qui vous fait rêver ? Pas besoin d’une réponse au singulier. Toujours rien ? Avez-vous déjà pensé à faire une mobilité ?

J’en arrive donc à mon conseil premier : faites une mobilité. Apprenez une deuxième langue. Vous n’êtes pas fait pour l’étranger et vous souhaitez augmenter vos chances de pouvoir trouver un emploi ? Savoir parler Anglais est une compétence que beaucoup sous estiment. Même Allemand ou Espagnol. La mobilité vous permettra en plus de vraiment vous connaître et de découvrir ce qui vous plait vraiment au quotidien. Vous en sortirez indépendants, autonomes et beaucoup plus aptes à vous adapter à diverses situations. Pour ceux qui n’osent juste pas sauter le pas, allez-y. Erasmus est une très belle opportunité mise en place dans notre système qui ne devrait pas être manquée et les aides sont là pour vous aider financièrement à y accéder si l’aspect financier est votre limite.
Créez votre réseau. Faites vous connaître et faites connaître vos projets et vos envies. Comme la directrice du département des écosystèmes, Musonda Mumba, m’a très bien dit : « Les gens croiront en toi et te suivront dans tes projets. ». Plus vous saurez où vous voulez aller et plus vous saurez être flexibles et curieux, plus vous y arriverez.

Mis à jour le 10 juillet 2020.
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